Un printemps québécois : les étudiants portent l’étendard du bien commun

Les jeunes Québécois se sont mobilisés pour la défense collective d’un héritage issu du pacte social québécois : l’équité dans la distribution des richesses et la transmission des acquis sociaux entre les générations. La FNEEQ et la CSN ont largement appuyé leur lutte, qui est aussi la nôtre.

Une mobilisation exemplaire !

Les manifestations urbaines se sont multipliées dans les rues, tout au long des mois de mars et d’avril, mobilisant des masses populaires dépassant tout ce qu’on a vu depuis longtemps. De nombreuses citoyennes et citoyens de tous âges et de toutes allégeances s’y sont joints, et plusieurs ont signalé leur sympathie à la cause commune. Il ne faudrait pas croire que cette lutte, comme certains ont voulu la réduire, était l’expression de l’égoïsme d’une génération immature, celle qui refuse d’assumer sa « juste part » des coûts toujours croissants de la formation. La jeunesse fait face à un déni de démocratie de représentation, tout en vivant une expérience concrète d’éducation à la participation politique. Elle a appris que l’exercice cynique et méprisant du pouvoir doit être dénoncé. Avec la hausse des frais de scolarité, le gouvernement du Québec a choisi les étudiants comme première cible dans sa stratégie pour transformer le rôle de l’État. Il savait que les jeunes n’avaient pas en leur faveur la protection des lois du travail ni d’autres lois protégeant les moins nantis. La plupart de ces jeunes ne paient pas d’impôt, travaillent au salaire minimum et n’ont pas droit à l’aide sociale. Les voilà boucs émissaires d’un gouvernement autoritaire qui recherche la division sociale et impose aux plus pauvres des tarifications élevées et des augmentations de taxes, des mesures nettement régressives. Les jeunes répondent très justement : la grève est étudiante, la lutte est populaire. Leur victoire sera celle de tous.

Des enjeux de société

La riposte à cette stratégie ignoble s’est manifestée par un appui populaire que les prétendus sondages par Internet – peu fiables – ont mal évalué et que les médias ont claironné : la société québécoise est divisée sur l’enjeu des frais de scolarité, mais elle serait prête à payer plus d’impôt pour le maintien des services sociaux, selon un récent sondage fiable, celui-là (NPD Canada). L’éducation supérieure est un service public de premier ordre, qui devrait être assumé par tous et non un bénéfice personnel acquis comme marchandise. Il n’y a pas d’investissement collectif plus important pour l’avenir et pour les nouvelles générations. Les aînés qui ont connu la Révolution tranquille le savent bien et ils ont encouragé leurs enfants (les babyboumeurs) à faire des études poussées jusqu’à l’université, si possible. C’est en ce sens que Guy Rocher a rappelé que le rapport Parent, dont il était l’un des auteurs, préconisait la gratuité scolaire, et ce, même jusqu’à l’université. C’est aussi la revendication émise par de nombreux groupes sociaux et qui est reprise dans la nouvelle plateforme CSN en éducation (première orientation et proposition 46).

La lutte des étudiantes et des étudiants se joint à celle de la grande Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics qui regroupe plus d’une centaine d’organisations de la société civile pour la défense du bien commun (dont l’ASSE et la FECQ), contre la dégradation de notre pacte social de solidarité collective. Comme pour nous tous, c’est cet enjeu principal que défendent actuellement les étudiants. La contestation étudiante soulève un important débat de société; elle s’attaque à des mesures qui menacent tous les services publics et notre devenir collectif. Les citoyennes et les citoyens du Québec ne doivent pas se diviser sur cet enjeu, comme certains incitent à le faire en stigmatisant l’actuelle lutte étudiante par des pirouettes sémantiques et des propos démagogues. Il suffit d’entendre les blâmes unanimes des ténors de la droite pour comprendre à quel point on cherche à monter la population contre les grévistes. Cette stratégie du gouvernement mène à un cul-de-sac. Elle est irresponsable, autoritaire et divisante. Nous devons la dénoncer fermement.

Le dénouement à venir

Le gouvernement libéral du Québec semble ne rien comprendre à l’important mouvement social qui bouleverse le Québec. Il est empêtré dans un fouillis des scandales depuis deux ans et plus. Il n’arrive plus à surmonter les crises, et pas seulement celle du mouvement étudiant. Un gouvernement désemparé est un mauvais gouvernement, car il sème de l’inquiétude plutôt que d’assurer la cohésion sociale. La flopée d’injonctions infligées aux universités et aux cégeps révèle bien ce désarroi de nos dirigeants. Aux droits collectifs démocratiquement exprimés, on a opposé des droits individuels et privés, brimant ainsi le droit de manifester librement.

Le Québec vit la renaissance d’un mouvement social en action. De nombreux citoyennes et citoyens prennent la rue comme lors du grand rassemblement pour la défense du bien commun, le Jour de la Terre, le 22 avril. Le mouvement spontané des profs contre la hausse a aussi su s’affirmer. Les enseignantes et les enseignants qui en font partie travaillent quotidiennement avec les étudiants et sont très conscients des enjeux de la grève. Certains leur reprochent… d’avoir un parti-pris en faveur de la cause étudiante !

Après onze semaines de grève, plusieurs groupes et personnalités ont proposé des plans de sortie de crise, ou d’agir comme médiateurs, mais le gouvernement a refusé et s’est entêté dans son intransigeance. Des blagues désobligeantes du premier ministre sur les étudiants, le 20 avril dernier, ont ajouté l’insulte à l’injure et ont fait la preuve de sa grande incompréhension des revendications étudiantes. Une trêve a été acceptée par les associations étudiantes afin d’entreprendre la négociation, mais le gouvernement a ensuite décidé de négocier sur la place publique, en tentant au passage de diviser le mouvement étudiant. L’issue reste incertaine au moment d’écrire ces lignes.

Le Québec est mûr pour aller aux urnes afin de déloger ce gouvernement irresponsable qui a trop duré, un gouvernement qui brade nos richesses et qui met en péril notre pacte social de solidarité. « Libérez-nous des libérau », disait Loco Locass ; mais aussi de la corruption, des amis du régime et du cynisme de nos dirigeants.

Comité école et société, FNEEQ
(Chronique 47 – Comité école et société)

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